La Loi
La loi, comme le cadre du tableau d’un artiste, permet d’être libre et créatif.
Morale
La morale (André Comte-Sponville) est ce que nous exigeons de nous-même. Elle ne dépend pas du regard de l’Autre ni d’une quelconque menace qui pèse sur nos têtes.Or, trop souvent, nous respectons les règles par crainte des autorités qui les font respecter ou des sanctions qu’elles peuvent infliger. Nous devrions les respecter seulement en fonction de nos propres valeurs. Nous nous leurrons en laissant croire le contraire à ceux que nous éduquons ?
La morale permet de poser librement des actes selon une certaine humanité et non selon nos propres intérêts. Elle permet d’agir selon nos valeurs, en fonction du groupe. Elle engendre l’idée de s’interdire ce que l’on condamne chez l’Autre.
Éducation
Éducation, du latin ex-ducere, signifie « conduire hors de », guider. Il ne s’agit donc pas de former, donner une forme, ou enseigner, transmettre un savoir à l’aide de signes en lien avec le langage parlé et écrit. Il s’agit plutôt de « faire se développer » le jeune, lui donner les moyens d’épanouir sa personnalité. Là ou l’enseignant instruit, le parent éduque.
L’éducateur est donc celui qui pose le cadre bienveillant permettant au jeune de mettre en pratique sa propre morale. Dans ce sens, l’éducateur n’impose pas SA morale. Il forme le jeune à l’acte citoyen et au respect des codes sociaux du groupe (classe ou familial) affin que ce groupe vive en harmonie. Il ne moralise pas, il énonce la morale. L’adolescent doit rencontrer la loi du groupe pour faire obstacle à son agressivité (Estelle Mathey).
Car la moralisation, la soumission à des règles morales, est stérile, elle emprisonne. La morale est féconde, elle libère.
Les lois et les morales sont éducatrices et donc provisoire (André Gide). L’éducation tend à pouvoir se passer d’elle en fin de compte. L’éducation est donc une émancipation. Elle est une étape vers l’autonomie.
Quand aux lois elles-mêmes, elles ne sont découvertes qu’après l’observation construite de ceux pour qui elles sont éditées. Elles aident à mieux vivre ensemble.
Enfance
Les lois et les morales sont liées à l’état d’enfance. L’analyse transactionnelle (Éric Berne, 1971) précise le rôle de l’enfant adapté, complémentaire du parent normatif. Ce dernier énonce la Loi; l’enfant adapté soumis la respecte. Idéalement, dans l’éducation, cet aspect de la personnalité est bénéfique à la socialisation.
La politesse, définie par des codes, est un ensemble de comportements sociaux qui permet de faciliter les rapports entre individus. La soumission dont parle l’analyse transactionnelle est l’influence du Parent sur le comportement de l’enfant. Ce rapport est supposé positif dans la mesure ou il construit à la fois l’enfant (et l’adulte qu’il devient) et la relation.
Cette morale est donc l’apprentissage à tenir compte des Autres au lieu de n’écouter que nos propres impulsions (France Brécard et Laurie Hawkes).
Cadre
L’École Autrement n’est pas une école du plaisir. Certes les apprentissages se font dans la mesure de l’apprenant, grâce à une instruction adaptée et humaniste, mais au milieu d’un cadre stricte et inconditionnel. La priorité est de créer un cadre de sécurité (Pablo Servigne, 2019).
Avant de commencer toute activité, l’enseignant demande d’abord aux animés de se nommer, placer leur prénom devant eux, les écoute en leur distribuant la parole avant d’énoncer la Loi, le cadre bienveillant.
Le cadre de l’École Autrement se décline en cinq forces :
- La Bienveillance
- La Liberté
- L’Écoute
- La Parole
- La Fraternité
Nul n’y déroge. Toute personne qui pénètre dans la quatrième dimension de la classe ÉA s’y soumet. D’ailleurs, le simple rappel du point non respecté suffit à réfréner les digressions.
La naissance de la Loi
Derrière une loi doit se cacher une symbolique forte qui répond tant aux besoins qu’aux envies intrinsèques de chaque individu. Pour cela il faut que chacun puisse participer à l’élaboration des règles, bien les définir, les comprendre, les expliciter et les respecter (Pablo Servigne, 2019). La Loi de l’École Autrement est donc le résultat du travail pointilleux réalisé par les élèves du DIAS. Avec eux, j’ai cherché les lois et les règles qui ont, depuis la nuit des temps, balisé l’ordre de nos relations : le Code d’Hammourabi, la loi de Moïse, le loi scoute (Lord Baden Powell, 1963), le R.O.I. de notre école, le code de la route, … Autant de lois qui, une fois résumées, condensées et regroupées, ont abouti à ma règle de vie. Cette loi que j’ai placée au-dessus de tous mes projets, car la loi doit avoir autorité sur les hommes et non les hommes sur la loi (Pausanias, 170).
Jeu de Loi
Le jeu demande des règles. Nous pouvons respecter les lois comme nous respectons les règles d’un jeu de société : pour vivre ensemble. Mais comment arriver à vivre en société en jouant ses règles sans tricher ?
Le respect de règles simples dans un jeu est un excellent apprentissage social. Le jeu nous apprend que les lois sont une chance (Pascal Deru, 2006). Le jeu de société enseigne au jeune à respecter un cadre, à mener des défis, à coopérer, à gérer ses frustrations, … Le jeune, en regardant l’adulte perdre, apprend comment gérer une frustration. Lorsque l’adulte se met en colère en perdant, que dit-il ? En revanche, s’il félicitait son adversaire, n’enseignerait-il pas d’autres valeurs bien plus bénéfiques ?
La frustration est un apprentissage difficile et souvent mal accompagné dans les familles aujourd’hui. Lorsque l’enfant, roi, n’a pas de cadre clairement défini, il aura du mal à confronter son insatiable exigence à la patience qu’exige la règle. En arrivant dans le milieu scolaire, il aura du mal à vivre les codes scolaires.
Le jeu de la loi et le respect de ses codes sont enseignés aux travers de nos actes et de nos personnalités. C’est la loi qui nous rend libre. Je ne parle pas de nos libertés de mouvement, je parle de notre liberté d’apprendre et de créer.
Politique
Il est primordial d’agir en concertation avec l’autorité. Une politique fine et avisée est indispensable pour garantir la bonne marche d’un groupe, d’une famille, d’un établissement comme d’une nation. La politique est affaire de citoyenneté. Elle doit permettre à chacun de s’identifier aux membres d’un groupe social.
J’entends par politique, ce que la collégialité à défini comme signes pour bien vivre en communauté. Il s’agit de prudence et de réserve, non de sanction. Je parle ici de stratégies sociales en lien étroit avec l’objectif pédagogique humaine.
La politique, au sein des instituions, qu’elles soient scolaires ou autres, est indispensable dans la mesure où l’homme, né libre, n’est pas suffisamment social. L’homme a besoin de Lois qui encadrent le groupe dans lequel il vie pour se sentir libre en son sein.
Conflit
L’homme est juste jusqu’à la rencontre de son altérité car le conflit nait de la rencontre avec l’Autre. La Morale permet une résolution de conflit constructive; la politique, par le cadre qu’elle énonce, est le moyen d’y parvenir. La lois, dans sa résilience, permet de ne pas haïr son ennemi.
J-Luc Carels
Baden-Powell parle de la loi comme d’une force. Il dit que le scout « n’est pas gouverné par des interdictions, mais guidé par des indications positives ». Ceci rejoint les idées de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle qui précisent dans leur « entraide, l’autre loi de la jungle » que « les mécanismes de punition subsistent, alors qu’il existe d’autres systèmes de renforcement des comportements vertueux bien moins coûteux (p.136) ».
Affaire à suivre …
Maude D, cheftaine guide
Le renforcement positif est une clef beaucoup plus salutaire que le blâme. Mais sans doute, pour certains, plus compliqué à mettre en place s’ils n’ont pas vécu cela dans leurs propres histoires. Or, aimait à dire BP, « Un sourire est une clef secrète qui ouvre bien des cœurs. » Dommage que cela reste un secret.
Jean-Luc Carels, Slooghy île aux trésors.