Le Prisme didactique
Un procédé expérimental qui envisage la pluralité des points de vue sur un même scénario pédagogique dans le but d’améliorer les pratiques scolaires.
Points de vue
Qu’entends-tu par Prisme didactique?
Dans le laboratoire pédagogique de l’École Autrement, nous avons imaginé un concept analytique basé sur la pluralité des points de vue. L’idée est de multiplier les angles d’observation sur une même animation pédagogique, d’utiliser nos regards pour comprendre et savoir Jean-Jacques Goldman. J’ai appelé cette expérience du nom de Prisme didactique.
Le concept du Prisme se définit comme un ensemble de regards différents posés délibérément sur une même leçon. Il s’agit de mettre les participants en projet d’observer et d’écouter attentivement ce qui se passe sous des angles particuliers : celui d’un apprenant, d’un enseignant, d’un didacticien, d’un évaluateur ou encore celui d’un sociologue. Ces différents regards se portent en même temps par des personnes différentes présentes dans la pièce. Chacun reçoit ainsi la mission d’observer ce qui se passe, au travers de ses actions et de celles des autres acteurs, avec un angle de vue qui lui est propre.
Chaque observateur témoin retire de cette expérience ce qui lui sera utile dans ses propres pratiques. Ainsi, de jeunes enseignants partagent-ils l’idée de changer certaines méthodes suite à leur venue dans le laboratoire pédagogique.
À l’école Autrement, au vu du spectre des âges situé entre 12 et 62 ans, et de la diversité des niveaux culturels, environnementaux et sociaux, ce processus est source de nombreux apprentissages. Je crois qu’une clef de la différenciation véritable se situe là !
En mettant en lumière le travail de chaque acteur ont peut faire briller les pratiques de tous.
Angles
Quels sont les différents angles de vue possibles dans une leçon ?
Lors d’animations pédagogiques spécifiques, nous déployons le prisme didactique sous 5 angles particuliers :
- L’angle apprenant : l’acteur observe l’animation en portant le regard sur les Stratégies d’Apprentissage adaptées à un profil (Intelligences Multiples, …) spécifique. Il s’agit du regard de l’élève.
- L’angle enseignant : l’acteur observe l’animation en portant le regard sur la transmission des notions par le biais des Moyens Didactiques utilisés. Il s’intéresse aux mécanismes qui permettent les interactions entre les acteurs de la leçon, ainsi qu’à l’efficacité des outils utilisés. Il s’agit du regard de l’enseignant.
- L’angle conditionnel : l’acteur observe l’animation en portant le regard sur les Conditions d’Apprentissage qui favorisent l’enseignement et l’apprentissage. Il s’intéresse aux théories utilisées lors de l’activité, définies au préalable avec l’animateur. Par exemple l’aménagement de l’espace de travail.
- L’angle sociologique : l’acteur observe l’animation en portant le regard sur les Mécaniques Socialisatrices et principalement sur l’accord entre les codes scolaires et familiaux de l’enseignant et des apprenants permettant d’enclencher l’efficacité de l’apprentissage.
- L’angle évaluatif : l’acteur observe l’animation en portant le regard sur le niveau d’acquisition des notions chez les apprenants. Il s’intéresse par là à l’efficacité de tout le système apprenant, soit la juste Stratégie d’Apprentissage de l’élève, le juste Moyen Didactique pour le public visé, la mise en place judicieuse des Conditions d’Apprentissage et l’acquisition des Mécaniques Socialisatrices pour l’apprentissage.
Concept analytique
Comment mettez-vous cela en musique ?
Pour encourager la pluralité des regards sur l’animation, nous veillons à une disposition de l’espace de travail qui le permette. Chacun des observateurs peut ainsi prendre ses mesures dans un angle adapté. Ci-contre la disposition de l’espace de travail en carré permet aux différents acteurs d’avoir vue sur l’ensemble des participants.
Ensuite je distribue les angles de vue entre les participants au Prisme didactique. Chacun de ces participants aura donc la double mission
- d’agir suivant son rôle (enseignant, apprenant, …) et
- d’observer à la fois ses actes et ceux des membres du groupe.
Débriefing
Comment partagez-vous ces observations divergentes ?
Une fois l’animation terminée, les participants (enseignants, apprenants et témoins) se réunissent dans le salon (l’Espace Sérénité) afin de débriefer sur ce qu’ils ont vécu.
- À tour de rôle chacun explique brièvement son angle de vue. Ceci permet d’appréhender le vécu de tous les participants. Moi, j’ai pris le rôle de l’enseignant. J’ai essayé, comme Moyen Didactique, le travail de groupe (MD06)…
- Pour chaque angle, les participants peuvent donner leurs avis et leurs ressentis. Moi, élève du groupe B, j’ai trouvé que la mobilité des groupes était très intéressante, car … Dans ma tâche de rédacteur, j’ai eu l’occasion de …
- Chacun peut enfin poser les questions nécessaires à ses propres recherches. Ainsi, celui qui veut modifier ses pratiques, bénificie-t-il des différents ressentis. Moi, enseignant, j’entends des apprenants que pour être efficace, un travail de groupe doit tenir compte de …
Cette expérience nous montre combien il est possible d’éclairer pour les autres le chemin sur lequel on a nous-même trébuché. Combien le travail collaboratif peut passer par la prise de conscience des réalités tierces. Modifier nos pratiques, c’est aussi se poser la question du changement. Doit-on accepter les choses telles qu’elles sont, ou accepter la responsabilité de les changer ? Denis Wailley Je pense qu’en passant son regard par le Prisme didactique et en conscientisant ainsi les autres réalités de terrain, on parvient à mieux appréhender les changements de postures.
Particularités
Chacun peut donc choisir une posture différentes de sa propre réalité ?
Dans la pratique, certains observateurs choisissent un point de vue extérieur à leur posture. Ainsi, un éducateur invité a-t-il observé une leçon en tenant compte des intérêts de l’apprenant, par exemple.
L’idée majeure développée ici est bien de faire vivre aux participants des postures qu’ils n’ont pas l’habitude de prendre. Car il est temps d’ouvrir nos portes et de sortir de notre ordinaire. Ainsi, un élève peut-il prendre la place de l’enseignant afin de vivre une expérience d’enseignement en live. Un enseignant peut-il vivre l’expérience d’un apprentissage au niveau de l’élève et se rendre compte de ses réalités. Dans le même ordre d’idée, un élève a-t-il pu prendre la place de son éducateur de centre et vice vers ça. Ceci a permis la mise en lumière des attentes de chacun.
Lors de l’expérimentation d’un nouveau Moyen Didactique par l’enseignant, nous avons pu démontrer à maintes reprises l’efficacité du partage des points de vue lors du Débriefing.
Amélioration des processus
Au final, quel est l’objectif de cette expérience ?
La notion de partage des tâches, en management des équipes, me permet de collecter plus d’informations sur l’expérience des acteurs. En répartissant ainsi les points de vue et en récoltant les vécus lors du débriefing, je peux croiser les données et améliorer les Conditions d’Apprentissage du laboratoire. Ceci influe sur l’efficacité tant de nos Moyens Didactiques que de nos Stratégies d’Apprentissage.
J’active l’idée de nous déprendre de nos carcans scolaires qui nous obligent à entrer et faire entrer dans le moule. Car, qui enseigne sans émanciper, abrutit Jacques Rancière. Nous devons accepter que l’enseignement scolaire n’est pas une obligation mais que l’apprentissage est un besoin primaire et animal. Cette coopération sociale est donc la clef de notre survie Yuval Noah Harari. Préférons le plaisir d’apprendre à l’obligation scolaire !
Gardons à l’esprit que l’élève, moteur de l’apprentissage, n’est plus cantonné à son banc. Nous envisageons ici le déploiement des forces en action afin d’encourager la prise de conscience des réalités parfois divergentes de tous les acteurs éducatifs. Mes recherches ont comme objectif de rendre l’accrochage scolaire plus efficient, la gestion de classe plus efficace et la non-violence plus présente dans les lieux d’apprentissages.
J-Luc Carels
0 commentaires